Écrit par Adèle Gruen

Actuellement en fin de thèse en marketing à l’université Paris-Dauphine, j’ai passé l’an dernier de nombreuses journées en observation au sensespace entre les mois de janvier et de juillet. Mon intérêt de recherche était d’observer et de comprendre la relation à l’objet et à l’espace dans un espace partagé. Mais avant cela, il a fallu me familiariser avec cet environnement si particulier qu’est le sensespace, avec le langage de l’entreprenariat et celui de makesense : « Tu viens, cet aprem on fait un pop-up brainstorm pour résoudre un challenge pour des incubés du Sensecube ? ». « Pop-up brainstorm ? » « Incubés ? » « Sensecube ? ».

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Fort heureusement pour moi j’avais une alliée dans l’espace. Une traductrice du monde des startups pour chercheuse en perdition, et avant tout amie. Le fonctionnement de la machine à café, la cuisine, frigo et free-go, les places disponibles… Elle fut mon précieux guide dans cet apprentissage d’un monde si diffèrent de celui de la recherche académique. Voici quelques éléments marquant de mon séjour dans le monde de l’entreprenariat :

Une question de langage. Je l’ai déjà évoqué plus haut, mais comme dans tout milieu, le sensespace a son langage particulier. Celui-ci m’est apparu comme un complexe mélange d’anglais, de film Western et de langage informatique : « La règle un peu ici, c’est tu upload more than you download tu vois, tu donnes plus que ce que tu download de la communauté ». Quant à la fois où mon amie a essayé de m’expliquer comment devenir un gangster en organisant un hold-up

Vitesse de pensée et d’actions. Etre au sensespace m’a fait prendre conscience de la lenteur du rythme de travail, de pensée et de vie que le statut de thésard implique. Une thèse, c’est un projet qui s’étale sur trois ou quatre ans. Au sensespace, j’avais l’impression que les projets, à peine formulés, devaient être réalisés en quelques heures, jours ou semaines. La présence constante d’outils technologiques connectés tels que les smartphones, ordinateurs et tablettes participe à cette construction d’un rythme rapide dans les pratiques de vie quotidienne collective. Les conversations sont rapides, le temps de chacun précieux. Parce qu’il faut vivre avec son temps, j’ai appris à twitter durant mon séjour au sensespace.

Question de frontières. Le troisième élément qui m’a marqué lors de mon observation est le brouillage des frontières identitaires des entrepreneurs, à la fois amis et collègues. Entrepreneurs car indépendants, chacun travaillant sur son propre projet. Collègues car partageant malgré cela des pratiques professionnelles collectives de partage d’information et d’aide à la bonne réalisation des projets de chacun (notamment au travers de ces fameux pop-up brainstorm). Amis enfin, partageant des repas, des verres, des rires, des joies et des peines. Les liens sociaux au sein de l’espace sont si variés que l’on a parfois l’impression que la vie des entrepreneurs est contenue dans cet espace. Déjeuners, diners, apéros, séances de cinéma, weekends sont organisés et vécus au sensespace.

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Ces trois points, je le pense, ne sont pas spécifique au sensespace mais plutôt aux espaces de coworking en général. Les valeurs transmises dans le sensespace qui me sont apparues comme lui étant spécifiques sont le partage et la co-construction. Cependant le mot partage est difficile à théoriser et provoque moult débats dans la communauté scientifique. Plutôt que de parler de partage, la vie sociale du sensespace m’a renvoyé à la notion de mutualité. La mutualité, c’est le mouvement qui rassemble des personnes étrangères, les lie, et contribue à les rendre membres d’une communauté. Dans la mutualité, certaines choses sont libres d’accès pour tous. D’autres sont requises de la part des membres, qui ne sont pas nécessairement des investissements matériels (temps, énergie par exemple). Dans la mutualité, les individus s’investissent sans attendre un retour immédiat et par là même créent un cadre social commun à tous les individus de l’espace.

Bon, j’arrête avec mon charabia de chercheur. C’est que j’ai une thèse à twitter – heu pardon, à écrire.

Adèle Gruen
Twitter (attention je suis hyperactive) : @adelemart1
gruenadele@gmail.com